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En 1521, Luther est convoqué devant la Diète de Worms,

afin de rendre compte de ses écrits

considérés comme hérétique par l’Église Romaine.

 

Il comparaît devant une assemblée composée

desprinces allemands, des autorités ecclésiastiques

– dont le légat du pape Léon X –

et présidée par le jeune empereur Charles Quint.

 

Sommé de reconnaître ses erreurs, il fait une déclaration

restée célèbre dans tout le Protestantisme :

 

« Je suis lié par les Saintes Écritures que j’ai citées.

Je ne crois ni au pape, ni aux conciles,

car il est clair comme le jour

 qu’ils se sont souvent trompés et contredits.

Ma conscience est captive de la Parole de Dieu.

À moins que l’on puisse me convaincre par les Écritures

ou par des raisons évidentes,

je ne puis ni ne veux me rétracter,

car il n’est ni sûr, ni salutaire d’agir contre sa conscience. »

 

Comme on le sait, cet attachement de Luther à la Bible

est devenu l’un des trois piliers de la Réforme protestante :

« Sola Scriptura » – l’Écriture seule,

« Sola Gracia » – la Grâce seule et

« Sola Fide » – la Foi seule.

 

Si bien que, jusqu’à ce jour,

en réaction contre l’Église romaine dont le Magister

 – l’autorité en matière de foi –

s’étend aux écrits des Pères de l’Églises,

aux décisions des grands conciles et

aux déclarations des papes concernant la foi,

le principe de « L’Écriture seule » cher à Luther

s’est perpétué comme la norme commune

à toutes les églises évangéliques qui confessent :

« La Bible, toute la Bible, mais rien que la Bible ! »

 

Autrement dit, la Bible présente une valeur normative exclusive

et absolue en matière de foi et de vie…

Encore faut-il bien la lire !

Car pour une grande majorité de chrétiens évangéliques,

la fidélité aux Saintes Écritures s’est traduite

par une lecture littérale de l’ensemble de la Bible,

sans réelles distinctions

quant aux différences théologiques et littéraires

entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament,

ou qui peuvent exister d’un livre à l’autre.

 

Comme on le sait, c’est sur le mont Sinaï

que Moïse avaient reçu les deux tables de la loi

sur lesquelles étaient gravés les dix commandements

– littéralement : les dix « paroles » –

données par Dieu au peuple d’Israël.

 

Mais en même temps que ces commandements,

Moïse avait aussi donné à son peuple

une véritable législation couvrant tous les aspects de la vie :

aussi bien morale que religieuse, et civile qu’alimentaire…

Cet ensemble de lois nommées "Torah"

en hébreu, s’appellent aussi

"Loi de Moïse" ou "Loi mosaïque".

Elle se trouve dans les cinq premiers

livres de la Bible regroupés

sous le nom de "Pentateuque"

dans nos versions modernes.

Pour les chrétiens, la lecture des lois

de l’Ancien Testament soulève un vrai débat.

 

Certains disent qu’elles n’ont plus aucun intérêt

dans le cadre de la Nouvelle Alliance, alors que

d’autres affirment qu’elles sont toujours d’actualité,

puisqu’elles sont Paroles de Dieu.

 

Les chrétiens qui pensent

qu’il ne faut plus s’occuper des lois que Moïse

avait données aux Israélites

s’appuient sur des passages comme ceux-ci :

 

Hébreu 8:13

"En appelant nouvelle cette alliance, Dieu a rendu ancienne la première.

Or, ce qui est ancien et vieilli, est sur le point de disparaître."  

 

Romains 7:6

"Mais maintenant, nous sommes dégagés de la loi, car nous sommes morts à ce qui nous tenait captifs, de sorte que nous servons sous le régime nouveau de l’Esprit et non plus sous le régime ancien de la lettre."

 

2 Corinthiens 3:6

"Il nous a aussi rendus capables d’être ministres d’une nouvelle alliance,

non de la lettre, mais de l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit fait vivre."

 

Mais ces passages ne donnent pas vraiment tord

aux chrétiens qui pensent que la Lois de Moïse

(la Torah) est toujours d’actualité.

 

Avec une différence de taille, cependant,

puisque désormais ce n’est plus la "lettre de la Loi"

qui importe, mais "l’esprit de la Loi".

 

Autrement dit, la Loi demeure,

mais elle ne sera plus comprise et appliquée de la même façon.

 

Jésus confirme cela en disant qu’il n’est pas venu

"abolir la Loi", mais "accomplir la Loi".

 

"Accomplir" signifie ici "mener à sa perfection,

à sa plénitude, à son complet aboutissement"

Cela implique l'idée qu'appliquer la Loi

telle que suggérée par une lecture littérale

n’est qu’un accomplissement partiel de la Loi

qui nécessite un approfondissement

pour connaître l’intention de la Loi.

 

Matthieu 5:17-20

"Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. En vérité je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux. Mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux."

 

Jésus dit ici à ses disciples que

"leur justice doit dépasser celle des scribes et des pharisiens".

Or, ceux-ci lisaient la Loi de Moïse

en prenant les textes au premier degré,

c'est-à-dire à travers une lecture littérale.

 

Mais les chrétiens doivent aller plus loin

pour discerner ce qu’il y a derrière les mots :

ils doivent enlever le voile qui cache l’intention de Dieu

cachée derrière les textes de la Loi.

 

2 Corinthiens 3:12-17

"Ayant donc une telle espérance, nous agissons avec une grande liberté, et non comme Moïse, qui mettait un voile sur son visage, afin que les fils d’Israël ne fixassent pas les regards sur la fin de ce qui devait périr. Mais leurs entendements ont été endurcis ; car jusqu’à aujourd’hui ce même voile demeure, à la lecture de l’Ancien Testament, sans être levé, car c’est en Christ qu’il disparaît. Mais jusqu’à aujourd’hui quand Moïse est lu, ce voile demeure sur leur cœur ; mais quand ce cœur se sera converti au Seigneur, le voile sera entièrement ôté. Or, le Seigneur est l’Esprit, et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté."

 

Aux yeux de Paul – un ancien pharisien –

les juifs font de la Loi une lecture partielle,

car l’essentiel est voilé à leurs yeux.

 

Pour ôté ce voile, il faut que les lecteurs

de la Loi de Moïse se convertissent à Jésus-Christ.

C’est alors seulement que le voile est ôté

pour découvrir la pensée et l’intention de Dieu

qui sont cachées dans la Loi de Moïse.

 

Par ailleurs, aujourd'hui comme hier,

beaucoup de gens essayent de contourner la Loi ou de déformer la Loi

pour la mettre au service de leurs propres intérêts.

 

De même, c’est leur propre justice que les juifs

essayaient de faire passer dans la Loi de Moïse.

Car on peut appliquer une loi de façon formelle,

tout en la détournant de l’esprit du législateur.

 

Romains 2:28-29

"Car je leur rends ce témoignage, qu’ils (les juifs) ont du zèle pour Dieu, mais sans connaissance. En ignorant la justice de Dieu, et en cherchant à établir leur propre justice, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu ; car Christ est la fin de la loi, en vue de la justice pour tout croyant"

 

Romains 10:2-4

"Le Juif, ce n’est pas celui qui en a les apparences ; et la circoncision, ce n’est pas celle qui est apparente dans la chair. Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement ; et la circoncision, c’est celle du cœur, selon l’esprit et non selon la lettre. La louange de ce Juif ne vient pas des hommes, mais de Dieu."

 

Pour bien appliquer une loi, c'est-à-dire de façon légitime,

l’idéal est de connaître l’intention du législateur.

Il nous faut donc connaître le sens

que Dieu voulait donner aux lois

qu’Il a inspirées à Moïse.

 

Pour nous chrétiens,

le meilleur moyen de le savoir est de considérer

le sens que Jésus donnait à ces lois

et comment Jésus appliquait ces lois.

 

On en trouve de nombreux exemples dans les Évangiles

qui permettent de dégager quelques principes de base

pour une lecture à la fois chrétienne

et légitime de la Loi de Moïse.

 

En effet, les religieux de son temps sont souvent venus

vers Jésus dans l’intention de lui tendre des pièges

en jouant sur la lettre de la Loi.

 

Chaque fois, ils lui demandaient

ce qu’il faut "faire ou ne pas faire",

en appelant ainsi à la "lettre" de la Loi.

 

Et chaque fois, Jésus leur répondait en leur montrant

qu’à travers la Loi, Dieu enseigne surtout

ce qu’il faut "être ou ne pas être"

leur révélant ainsi "l’esprit" de la Loi.

Premier exemple

 

La loi sur la lapidation

des personnes coupables d’adultères.

 

Jean 8:1-11

"Jésus se rendit au mont des Oliviers. Mais dès le matin, il retourna au temple, et tout le peuple vint à lui. S’étant assis, il les instruisait. Alors les scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en adultère, la placent au milieu et lui disent : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère.  5  Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi, donc, que dis-tu ? Ils disaient cela pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser.  Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur la terre. Comme ils continuaient à l’interroger, il se redressa et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! De nouveau il se baissa et se mit à écrire sur la terre. Quand ils entendirent cela, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés. Et il resta seul avec la femme qui était là, au milieu. Alors Jésus se redressa et lui dit : Eh bien, femme, où sont-ils passés ? Personne ne t’a donc condamnée ? Elle répondit : Personne, Seigneur. Jésus dit : Moi non plus, je ne te condamne pas ; va, et désormais ne pèche plus."

Le piège tendu par les religieux tient au fait

qu'à leurs yeux il n'existe qu'une seule alternative :

 

ou bien Jésus dit qu’il ne faut pas lapider

et il transgresse la Loi donnée par Moïse ;

ou bien il dit qu’il faut lapider

et il contredit la loi d’amour qu’il est venu enseigner.

 

Mais Jésus va les prendre à contrepied,

en empruntant une troisième voie pour répondre

au littéralisme de la Loi.

Il ne dit pas que la loi est mauvaise

ou qu’il ne faut pas l’appliquer,

mais il présente l’esprit de la Loi,

à savoir que pour appliquer une telle loi,

il faut soi-même en être digne !

 

À quel titre, en effet, un pécheur se risquerait-il

à condamner un autre pécheur ?

 

Jacques 2:10

"Car si quelqu’un pèche contre un seul commandement de la loi, tout en observant les autres, il se rend coupable à l’égard de tous."

 

Galates 3:19,24

"Dès lors, que vient faire la loi ? Elle a été donnée pour que se manifestent les transgressions […] Ainsi donc, la loi a été notre surveillant (ou "pédagogue"), en attendant le Christ, afin que nous soyons justifiés par la foi."

 

Notons que pour Jésus, l'adultère reste bien un péché :

 "Moi non plus, je ne te condamne pas.

Va, et désormais ne pèche plus."  

 

L'exhortation à ne pas condamner le pécheur

 ne signifie donc pas l'absence de péché.

Les péchés sexuels présentant la particularité

d'offenser le temple de Dieu qu'est devenu notre corps

en y accueillant l'Esprit Saint.

 

1 Corinthiens 6:18-20

"Fuyez l’inconduite. Quelque autre péché qu’un homme commette, ce péché est extérieur au corps ; mais celui qui se livre à l’inconduite pèche contre son propre corps. Ne savez-vous pas ceci : votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu, et vous n’êtes pas à vous-mêmes ? Car vous avez été rachetés à grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit qui appartiennent à Dieu."

 

Comme on le voit, la Loi de Dieu n’est pas faite

 pour nous autoriser à punir les coupables,

puisque Jésus seul est sans péché et serait digne de le faire.

La loi, au contraire, nous fait prendre conscience

de nos propres responsabilités et de notre propre indignité.

 

Le chrétien, par ailleurs, ne devrait jamais oublier

que la punition de ses transgressions

est retombée sur Jésus, à la croix de Golgotha.

 

1er principe pour passer de la lettre à l’esprit de la Loi :

 

Pour pouvoir appliquer aux autres

les sanctions relatives à la Loi,

il faudrait soi-même en être digne

en ne l’ayant jamais transgressée.

 

Si bien que la Loi est là,

non pour nous autoriser à punir les autres en son nom,

mais pour nous faire prendre conscience de notre indignité,

étant nous-mêmes des pécheurs.

 

Deuxième exemple

 

La loi sur la répudiation arbitraire des épouses

par leur mari. 

 

Matthieu 19:3-10

"Des pharisiens vinrent le mettre à l’épreuve en lui demandant : Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour n’importe quel motif ?  Il répondit : N’avez-vous pas lu que le Créateur, dès le commencement, les fit homme et femme et qu’il dit : C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux seront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ! Ils lui dirent : Alors pourquoi Moïse a-t-il commandé de donner une attestation de rupture à la femme quand on la répudie ? Il leur dit : C’est à cause de votre obstination que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; au commencement, il n’en était pas ainsi. Mais, je vous le dis, celui qui répudie sa femme – sauf pour inconduite sexuelle – et en épouse une autre commet l’adultère. Ses disciples lui dirent : Si telle est la condition de l’homme par rapport à la femme, il n’est pas avantageux de se marier."

Ici encore, les religieux viennent avec la question

de savoir ce qu’il faut faire ou ne pas faire

pour respecter la loi de Moïse.

 

Et une fois encore, Jésus répond en rappelant

l’intention de Dieu qui se trouve derrière le texte de la Loi.

 

Or, dans ce cas particulier,

il se trouve que le texte de la Loi mosaïque

se trouve en contradiction avec l’intention de Dieu :

Moïse a permis une répudiation qui n'entrait pas

dans le dessein initial de Dieu pour le couple humain.

 

Remarquons-le bien : aux pharisiens

qui parlent d’un "commandement" de Moïse,

Jésus répond que c’est une "permission" de Dieu…

Ce qui n'est pas la même chose !

 

Rappelons-nous qu’une loi n’a de sens

que si elle est applicable par ceux sur qui elle s'exerce.

 

Or, à cause de la dureté du cœur humain,

l'indissolubilité du lien conjugale

que Dieu avait donnée pour idéal au couple humain

n’a plus été applicable

dès lors que le péché est entré dans le monde.

 

Aussi, Dieu a permis que Moïse instaure une répudiation

qui venait signer l'échec de la relation conjugale,

en même temps que la domination

de l'homme sur la femme :

une autre injustice liée au péché de l'humanité.

 

Genèse 3:16

"Dieu dit à la femme : […] tes désirs se porteront vers ton mari,

mais il dominera sur toi."

 

Jésus ne dit donc pas que la Loi est mauvaise

et qu’on ne peut pas répudier.

Il ne dit pas non plus que la loi est bonne

et qu’on peut répudier parce que Dieu l’aurait voulu ainsi.

 

Mais pour le Royaume de Dieu qu'il est venu instaurer,

pour les couples chrétiens, c'est-à-dire ceux et celles

"qui ont reçu miséricorde pour être fidèles" (1 Cor. 7:25),

Jésus va restaurer les exigences premières de son Père.

 

Matthieu 5:31-32

"Il a été dit : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce. Mais moi, je vous dis : Quiconque répudie sa femme, sauf pour cause d’infidélité, l’expose à devenir adultère, et celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère."

 

Ce faisant, Jésus nous place devant nos responsabilités

en disant :

"Attention, quand il n'y a pas eu infidélité de l'un

des conjoints, la répudiation ne rompt pas le lien conjugal

et il y a risque d'adultère en cas de remariage !"

 

En d'autre terme, la répudiation – ou le divorce –

risque d'avoir des conséquences graves

 pour soi-même ou pour le conjoint.

 

Ici encore, Jésus déplace le centre de gravité de la Loi

en le faisant passer de la lettre à l’esprit.

Autrement dit, il cherche l’intention de Dieu

qui se cache derrière la formulation de la Loi.

 

On découvre alors que le véritable sens de la Loi

est de nous placer devant nos responsabilités personnelles

plutôt que d'exiger son application littérale.

 

2ème principe pour passer de la lettre à l’esprit de la Loi :

 

Moïse à permis certaines lois

à cause de la dureté du cœur humain,

mais ces lois ne répondaient pas

à la volonté première du cœur de Dieu.

 

La Loi est donc là pour nous faire prendre conscience

de nos responsabilités quant aux conséquences de nos actes

pour les autres aussi bien que pour nous-mêmes.

Troisième exemple

 

La loi sur l’impôt ecclésiastique

en tant que tribut rendu à Dieu

 

Matthieu 17:24-27

"Lorsqu’ils arrivèrent à Capernaüm, ceux qui percevaient les deux drachmes s’adressèrent à Pierre et lui dirent : Votre maître ne paie-t-il pas les deux drachmes ? Si, dit-il. Et quand il fut entré dans la maison, Jésus prit le premier la parole et dit : Simon, qu’en penses-tu ? Les rois de la terre, de qui prennent-ils des taxes ou un tribut ? De leurs fils, ou des étrangers ? Il lui répondit : Des étrangers. Et Jésus lui répondit : Les fils en sont donc exempts. Mais pour que nous ne les scandalisions pas, va à la mer, jette l’hameçon, et tire le premier poisson qui viendra, ouvre-lui la bouche, et tu trouveras un statère. Prends-le, et donne-le-leur pour moi et pour toi."

Les deux drachmes représentaient l’impôt ecclésiastique annuel

à payer pour le service du temple à Jérusalem.

Payer l’impôt faisait donc partie du culte

que les juifs devaient rendre à Dieu.

 

Jésus fait remarquer à Pierre qu’en tant que Fils de Dieu

 il n’avait pas à payer cet impôt.

Mais pour prouver sa filialité divine sans scandaliser les juifs,

 il le paye en faisant un miracle.

 

Par contre, payer l’impôt pour une autre divinité

était une forme d’idolâtrie défendue par la Loi.

 

Pour comprendre le piège qui va suivre,

il faut se rappeler que César assuma le rôle

de souverain pontife (pontifex maximus)

et qu’il était l’objet d’un culte en tant que dieu vivant.

 

Marc 12:13-17

"Ils envoient auprès de lui quelques-uns des pharisiens et des hérodiens afin de le prendre au piège en parole. Ceux-ci viennent lui dire : Maître, nous savons que tu es franc et que tu ne te soucies de personne ; en effet, tu ne regardes pas à l’apparence des gens, mais tu enseignes la voie de Dieu selon la vérité. Est-il permis de payer le tribut à César ? Devons-nous payer ou ne pas payer ? Connaissant leur hypocrisie, il leur répondit : Pourquoi me mettez-vous à l’épreuve ? Apportez-moi un denier, que je le voie. Ils en apportèrent un. Il leur demande : De qui sont cette image et cette inscription ? – De César, lui répondirent-ils. Alors Jésus leur dit : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Et ils s’étonnaient beaucoup à son sujet."

Ici encore, les religieux espèrent piéger Jésus

avec une alternative sans issue.

 

Si Jésus dit "Oui, il faut payer l’impôt à César",

il encourage l’idolâtrie à l’égard d’un être humain

et il se rend coupable envers la Loi de Dieu.

 

Par contre, si Jésus dit "Non !"

il désobéit aux lois de l’occupant romain

et se fera dénoncer et condamner

comme opposant à l’empereur.

 

Mais une fois de plus,

Jésus va emprunter une troisième voie

en mettant en évidence l’esprit de la Loi.

 

En disant qu’il faut

"rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu",

Jésus inaugure la séparation des pouvoirs civils et religieux.

 

Pour Jésus, l’esprit de la Loi est de montrer

qu'un culte spirituel ne peut être rendu qu’à Dieu

et que le pouvoir civil n’a qu’un pouvoir temporel.

Il ne peut avoir immixtion de l'un chez l'autre.

 

Une religion particulière n'a pas à imposer sa morale

à un pouvoir civil sensé respecter

toutes les opinions présentes dan l'État.

Et l'État ne peut s'immiscer dans la manière

dont chacun vit sa foi, car ce qui est légal

ne devient pas automatiquement moral pour les croyants.

 

Pendant longtemps le pouvoir civil s’est présenté

comme étant au service de Dieu et donc

comme son légitime représentant sur terre.

 

Dans nos régions, la conception voulant

que la religion du roi soit aussi celle du peuple

a perduré jusqu’à la Révolution française

où le pouvoir civil s’est mis au service du peuple.

 

Mais la "démocratie" – c'est-à-dire "le pouvoir au peuple"

n'est pas à proprement parler une invention moderne,

puisque l'Angleterre l'avait repris avant le continent

en s'inspirant de la Grèce antique.

 

Et quand il y a conflit entre les pouvoirs religieux et civils,

 Pierre et les autres apôtres

nous ont montré la voie en disant :

"Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes." (Actes 5:29)

 

Cette voie ouvrait celle de la "désobéissance civique"

qu'ont suivie des Gandhi, des Martin-Luther King

et des Mandela.

 

3ème principe pour passer de la lettre à l’esprit de la Loi :

 

"Rendre à César et à Dieu ce qui leur appartient"

c’est rappeler qu’un culte spirituel

ne peut être rendu qu’à Dieu

et que les autorités civiles

ne disposent que d’un pouvoir temporel.

 

La Loi est donc là pour exercer notre discernement concernant

la séparation des pouvoirs civils et religieux :

 la séparation de l’Église et de l’État.

Quatrième exemple

 

La loi sur le sabbat : le respect des règles

 relatives au repos hebdomadaire

 

Matthieu 12:1-14

"En ce temps-là, Jésus traversa des champs de blé un jour de sabbat. Ses disciples qui avaient faim se mirent à arracher des épis et à manger. Les Pharisiens, voyant cela, lui dirent : Voici que tes disciples font ce qu’il n’est pas permis de faire pendant le sabbat. Mais Jésus leur répondit : N’avez-vous pas lu ce que fit David, lorsqu’il eut faim, lui et ses gens, comment il entra dans la maison de Dieu et mangea les pains de proposition, que ni lui, ni ceux qui étaient avec lui mais les sacrificateurs seuls, avaient la permission de manger ? Ou, n’avez-vous pas lu dans la loi que, les jours de sabbat, les sacrificateurs violent le sabbat dans le temple sans se rendre coupables ? Or, je vous le dis, il y a ici plus grand que le temple. Si vous aviez reconnu ce que signifie : Je veux la miséricorde et non le sacrifice, vous n’auriez pas condamné des innocents. Car le Fils de l’homme est maître du sabbat.

Il partit de là, et se rendit dans leur synagogue. Il s’y trouva un homme qui avait la main sèche. On demanda à Jésus : Est-il permis de faire une guérison les jours de sabbat ? C’était afin de pouvoir l’accuser. Il leur répondit : lequel d’entre vous, s’il n’a qu’une brebis et qu’elle tombe dans une fosse le jour du sabbat, ne la saisira pour l’en retirer? Combien un homme ne vaut-il pas plus qu’une brebis ! Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat. Alors il dit à l’homme : Étends ta main. Il l’étendit, et elle redevint saine comme l’autre. Les Pharisiens sortirent et se consultèrent sur les moyens de le faire périr."

Encore une foi : une loi n'a de raison d'exister

que si elle est applicable par ceux qui y sont soumis.

Or il existe des circonstances particulières,

non prévues par la loi,

qui présentent des exigences incontournables.

 

C’est le cas chaque fois qu’une loi se trouve confrontée

aux exigences d’une loi plus importante qu'elle-même.

Aussi, chaque fois qu’une loi devient secondaire

par rapport à une loi prioritaire,

elle donne immanquablement lieu à des exceptions.

 

Ainsi, il existe des cas de force majeure

où l'interdiction de travailler le jour du sabbat

devient secondaire par rapport à d’autres exigences.

 

Et pour démontrer ce principe, Jésus se réfère

à des cas de jurisprudence présents dans l’Écriture

et dans la Tradition juive

que ses interlocuteurs ne peuvent pas ignorer :

 

1er cas : la liberté que s’autorise le roi David

à l'égard de pains consacrés à Dieu ;

2ème cas : l’exception accordée aux prêtres

pour le service dans le temple;

3ème cas : le secours que l'on doit

à un animal domestique en détresse.

 

De plus – et une fois encore – Jésus va prendre

 ses adversaires à leur propre piège

puisqu’ils se servent de l’Écriture en négligeant

de se référer à des textes essentiels :

 

Proverbes 21:3

"Qu’on agisse avec bonté : voilà ce que je désire plutôt que des sacrifices; et la connaissance de Dieu, je la préfère aux holocaustes."

 

Osée 6:6 

"Pratiquer la justice et le droit, voilà ce qui est pour l’Éternel, préférable aux sacrifices."

 

Faire le sacrifice de certaines activités les jours de sabbat

n'a donc aucun sens quand on néglige

les exigences d'une loi bien plus importante :

 la pratique de la miséricorde.

 

Ainsi, la loi sur les obligations du sabbat

n'est plus applicable en cas de forces majeures :

comme se nourrir, soigner un malade ou aider

une personne en détresse… Fût-ce même un animal !

 

Toutes les lois peuvent donc donner lieu à des exceptions

quand elles se trouvent en conflit

avec le plus grand commandement de la Loi.

 

Matthieu 22:35-40

"Un docteur de la loi, lui fit cette question, pour l’éprouver : Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi–même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes."

 

Pour Jésus, tout l'Ancien Testament ("La Loi et les prophètes"

désignait ce que nous appelons "l'Ancien Testament")

se trouve donc soumis à ces deux commandements.

 

Autrement dit, toute lecture de l'Ancien Testament

qui soutiendrait des conceptions contraires

à ces deux commandements serait ipso facto

une mauvais lecture du Texte biblique,

parce que contraire à la pensée de Dieu qui l'a inspiré.

 

Avant de conclure, il faut peut-être expliquer

pourquoi Jésus a dit :

 

Matthieu 12:5-8 (extrait)

"Les jours de sabbat, les sacrificateurs violent le sabbat dans le temple sans se rendre coupables. Or, je vous le dis, il y a ici plus grand que le temple […] car le Fils de l’homme est maître du sabbat."

 

Pour le comprendre, il faut se référer

à une autre parole du Seigneur concernant le sabbat :

 

Marc 2:27-28

"Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat ! De sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat."

 

Et, si l'on se souvient que le mot hébreu "shabbat"

se traduit en français par "repos",

la parole de Jésus peut s’entendre ainsi :

"Le repos a été fait pour l’homme,

et non pas l’homme pour le repos !"

Pensée qui risque de paraître bien impopulaire

dans notre société des loisirs.

 

Mais bien que Dieu n’ait pas fait l’homme pour fainéanter,

 l’homme est tout de même appelé à se reposer sur Dieu

en entrant dans un repos spirituel

qui consiste à se décharger sur Lui de tous nos fardeaux

en attendant de le rejoindre dans la gloire céleste.

 

1 Pierre 5:7

"Déchargez-vous sur Dieu de tous vos soucis, car lui-même prend soin de vous."

 

Hébreu 4:3-11 (extraits)

"Pour nous qui avons cru, nous entrons dans le repos de Dieu. […] Mais ceux à qui la promesse a d’abord été faite n’y sont pas entrés à cause de leur désobéissance, selon qu’il dit : Je jurai dans ma colère : Ils n’entreront pas dans mon repos ! […] Or, puisqu’il est encore réservé à quelques-uns d’y entrer […] Dieu fixe de nouveau un jour en disant : Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs. […] Il y a donc un repos de sabbat réservé au peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose de ses œuvres, comme Dieu s’est reposé des siennes. Efforçons-nous donc d’entrer dans ce repos, afin que personne ne tombe en donnant le même exemple de désobéissance."

 

4ème principe pour passer de la lettre à l’esprit de la Loi :

 

Jésus nous démontre ici

qu’il n’y a pas de loi sans exception,

même pas le sabbat qui est pourtant

l’un des dix commandements

inscrits sur les deux tables de la Loi.

 

Aussi importante que soit une loi,

elle passera toujours au second plan

par rapport à la loi universelle d’amour

envers Dieu et le prochain.

S’ils veulent vraiment se conformer à la façon

qu'a eue Jésus de lire les textes de la Loi de Moïse,

les chrétiens qui lisent la Bible aujourd’hui seront

certains d'avoir une bonne approche de ces textes.

 

Or, de façon générale,

Jésus déplace toujours le centre de gravité de la Loi

qu’il fait passer d'une lecture littérale (la lettre de la Loi)

à la pensée de Dieu qui l'a inspirée (l’esprit de la Loi).

 

Autrement dit, Jésus cherche toujours l’intention de Dieu

qui se cache derrière la formulation des lois,

notamment les quatre lois

que nous avons passées en revue

pour en dégager quatre principes d'interprétation fiables

 puisqu'avalisés par le Seigneur Lui-même.

 

En simplifiant, on pourrait les résumer ainsi :

 

1ère loi sur l'adultère et 1er principe :

Le pécheur que je suis ne pourra jamais

condamner quelqu’un en s’appuyant sur la Loi.

 

2ème  loi sur la répudiation et 2ème principe :

La Loi m'éclaire sur les conséquences

de mes actes pour moi et pour les autres.

 

3ème loi sur l’impôt ecclésiastique et 3ème principe :

La Loi m’oblige à distinguer ce qui relève

du pouvoir civil ou du pouvoir religieux.

 

4ème loi sur le repos du sabbat et 4ème principe :

Il n’existe aucune loi plus importante que

la Loi d’amour envers Dieu et le prochain.

 

Ou, en simplifiant encore plus :

Pour lire les lois de l’ancien Testament,

il faut toujours avoir quatre principes en tête :

 

1° Ne jamais condamner les autres

2° Être responsables de nos actes

3° Toujours séparer l’Église et l’État

4° L’amour résume toutes les lois

On découvre alors que le véritable sens de la loi

est de nous placer devant nos responsabilités personnelles

sans exiger une application littérale.

Par ailleurs, "prendre exemple" sur Jésus

ne signifie pas "singer" Jésus, "faire pareil" que Lui,

mais bien "suivre la même voie"

Suivre la Loi ne se limite pas à comprendre sa formulation,

mais c'est surtout savoir l'appliquer

en l’adaptant de façon correcte,

au contexte et aux circonstances qui sont les nôtres,

ici et maintenant.

 

On découvre alors que le véritable sens de la loi

est de nous placer devant nos responsabilités personnelles

sans nécessairement exiger une application littérale.

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